Améliorez la qualité de vos contenus grâce à ces quelques règles typographiques.
Avez-vous déjà remarqué sur un site web, un point d’interrogation se balader tout seul en début de ligne ?
Quelque chose comme cela :
Pas terrible n’est-ce pas ? Cet exemple, tiré d’un de mes articles de blog (comme quoi !) illustre un problème très fréquent dans les contenus web : la mauvaise utilisation des règles de typographie.
Pour commencer cet article, je vous propose un petit jeu.
Combien d’erreurs voyez-vous dans la phrase suivante :
«Un site web, sais comme une bière:
un savant mélange d’ingrédients divers; dosés avec précision.»
Votre œil aura aisément repéré la faute la plus grossière : sais
au lieu de c’est
.
Voici la citation, telle qu’elle aurait dû être écrite :
« Un site web, c’est comme une bière :
un savant mélange d’ingrédients divers ; dosés avec précision. »
Vous voyez les différences ? Elles sont minimes, je vous l’accorde. Mais, à mes yeux elles font toutes la différence entre un contenu de qualité et un contenu banal.
Les principales modifications effectuées entre les deux versions du contenu sont d’ordre typographique.
Dans cet article, vous apprendrez à maîtriser les principales règles de typographie de la langue française ce qui vous permettra de rendre vos contenus encore plus qualitatifs.
Sommaire
Qu’est-ce que la typographie ?
Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire un court sur le sujet, j’en serais bien incapable.
Pour faire simple : la typographie est l’art de disposer les lettres écrites en un texte visuellement attrayant et lisible.
Elle permet de :
- susciter l’intérêt,
- favoriser la lisibilité d’un contenu,
- déterminer un rythme et un sens de lecture.
Elle va faire appel à un ensemble de paramètres comme : une police d’écriture, des réglages d’espacement entre les lettres et les lignes ou encore différentes options de mise en page.
Afin d’assurer une certaine cohérence linguistique, il existe des règles regroupées dans ce qu’on appelle une convention typographique. Celles-ci ont été conçues pour lever des ambiguïtés qui pourraient nuire à la lecture.
En France, l’usage veut qu’on respecte les recommandations du Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale.
La langue française étant une langue vivante, il est toutefois possible de prendre quelques libertés avec ces recommandations et de créer sa propre convention typographique. L’idée n’est pas de remettre en cause toutes les règles, mais d’apporter des variations ou de préciser certains usages.
C’est ce que font, par exemple, les équipes de contribution à WordPress, Framasoft ou Wikipédia (découvrez la convention typographique de WordPress, Framasoft ou de Wikipédia.)
Pourquoi ces règles sont-elles souvent négligées ?
Je vois deux raisons principales à cela :
- peu de personnes les connaissent vraiment ;
- les claviers de nos ordinateurs ou smartphones ne nous facilitent pas la tâche.
Les règles typographiques ont longtemps été connues des seuls imprimeurs ou autres professionnels de la communication graphique.
Aujourd’hui, des logiciels de traitement de texte comme Word corrigent automatiquement certaines erreurs les plus courantes.
Enfin, la configuration de nos claviers AZERTY n’est clairement pas adaptée à la langue française. Il est nécessaire de faire des combinaisons de touches assez complexes pour faire des choses simples.
Par exemple, sur Windows, la combinaison ALT+201
affiche la lettre É
. Pas facile à retenir, n’est-ce pas ?
Logique, donc, que peu de gens s’en préoccupent réellement. Mais nous verrons plus loin qu’il existe des outils pour se faciliter la vie.
À ce stade, vous vous demandez peut-être pourquoi vous devriez vous en soucier alors que cela à l’air complexe et que tout le monde semble s’en moquer ?
En ce qui me concerne, j’essaie d’appliquer autant que possible ces règles typographiques pour les raisons suivantes :
- Parce qu’elles font partie de la langue française. Et que j’essaye de la respecter autant que possible.
- Parce que cela peut éviter des erreurs de restitutions par les synthèses vocales.
- Par amour du travail bien fait.
- Pour me distinguer de mes concurrents qui, eux, ne le font pas nécessairement.
- Peut-être aussi parce que j’aime bien me prendre la tête sur des détails que personne ne remarque 😅
Honnêtement, on est d’accord que visuellement ce genre de chose n’est pas terrible :
(cliquez sur les images pour les agrandir.)
Rentrons dans le vif du sujet et voyons comment on peut éviter cela.
Comme à chaque fois que je vous parle de qualité web, l’objectif n’est pas d’être parfait, juste de faire un peu mieux tous les jours.
Les principales règles typographiques
Les quelques règles que je vais vous présenter ne sont valables que pour le français de France. Elles sont différentes dans d’autres langues, voire même dans d’autres variantes du français (ex : le français du Québec).
Ponctuation et espaces
Avec les majuscules, c’est probablement LA règle la plus malmenée.
Avant toute chose quelques éléments de vocabulaire :
- Espace : en typographie, le terme espace féminin. On dit donc « une espace ».
- Espace insécable : utilisé notamment avant certains signes de ponctuation. C’est une espace qui reste solidaire des mots qui le précèdent et qui le suivent, permettant ainsi d’éviter des sauts de lignes inappropriés (comme dans les exemples que je vous ai présentés précédemment).
Voici les principales règles en vigueur :
Signe | Règle | Exemple | |
---|---|---|---|
Point | . | Pas d’espace avant, une espace après | Il est 18h. On prend l’apéro |
Virgule | , | Comme il est 18h, je propose de prendre l’apéro. | |
Points de suspension | … | Il est 18h… | |
Parenthèse fermante | ) | Il est 18h. (Ils se lèvent pour aller prendre l’apéro.) | |
Crochet fermant | ] | Il [Laurent] propose de prendre l’apéro. | |
Guillemet anglais fermant | « | « Il s’est levé, a dit « Allons prendre l’apéro » et a quitté la pièce. » | |
Parenthèse ouvrante | ( | Une espace avant, pas d’espace après | Il est 18h. (Ils se lèvent pour aller prendre l’apéro.) |
Crochet ouvrant | [ | Il [Laurent] propose de prendre l’apéro. | |
Guillemets anglais ouvrants | « | « Il s’est levé, a dit « Allons prendre l’apéro » et a quitté la pièce. » | |
Deux points | : | Une espace insécable avant, une espace après | Je ne veux pas passer pour un alcoolique : je change le thème de mes exemples. |
Point-virgule | ; | La valeur simplifiée de Pi est de 3,14 ; ce qui est facile à retenir. | |
Point d’interrogation | ? | Tu veux vraiment parler de math dans tes exemples ? | |
Point d’exclamation | ! | Tu risques de faire fuir ton lectorat ! | |
Guillemets français fermants | » | Pas faux. Mais si quelqu’un se demande « combien fait Pi », il ou elle a la réponse. | |
Pourcentage | % | Oui mais 98 % des gens le savent déjà. Et les 2 % restant ne lisent pas cet article. | |
Guillemets français ouvrant | « | Une espace avant, une espace insécable après | « Stop aux exemples foireux ! » crie la foule en colère. |
Hashtag | # | Aucune espace, ni avant ni après | #PasSimpleDeTrouverDesBonsExemples |
Points de vigilance :
- Les points de suspension sont un élément de ponctuation à part-entière. Ce ne sont pas 3 points successifs.
- Après « etc. » : pas de points de suspension (cela crée une redondance.)
- Dans le cas des listes, vous allez pouvoir utiliser, selon les cas, un point-virgule, une virgule ou encore un point. Le texte doit pouvoir être linéarisé sans revoir sa ponctuation.
- Les parenthèses, crochets et guillemets incluent la ponctuation si la phrase est complète
(bla bla bla.)
et l’excluent si la phrase est incomplète(bla bla bla).
.
Les raccourcis clavier à connaître
Comme expliqué précédemment, nos claviers d’ordinateurs ne permettent pas de saisir simplement des caractères typographiques de base comme les points de suspension ou les guillemets français.
Certains logiciels comme Word les génèrent automatiquement, mais ce n’est pas le cas de Google Doc, qui est de plus en utilisé.
Ces raccourcis clavier vont vous aider à réaliser facilement ces signes typographiques :
Signe | Windows | Mac |
---|---|---|
Espace insécable | [ALT] + 255 | [ALT ⌥] + [ESPACE] |
… | [ALT] + 0133 | [ALT ⌥] + ; |
« | [ALT] + 0171 | [ALT ⌥] + 7 |
» | [ALT] + 0187 | [ALT ⌥] + [MAJ] + 7 |
Les majuscules
Les règles d’usage des majuscules peuvent être assez complexe. Aussi, je vais me limiter aux règles de bases.
On utilise une majuscule pour :
- le mot qui commence une phrase, un vers, une citation,
- les noms propres, patronymes, prénoms, surnoms et pseudonymes,
- les noms des peuples, des habitants des régions et des villes,
- les noms géographiques et historiques,
- les noms de voies, lieu dits et monuments publics,
- les points cardinaux lorsqu’ils désignent une région et pas une direction,
- les noms de marques et de modèles,
- les raisons sociales, les noms de sociétés, d’établissements, d’associations, publics ou privés.
On ne met PAS de majuscule :
- aux noms des jours et des mois
- aux titres et aux qualités : le proviseur, la ministre, le pape
Ici, la principale erreur consiste à ne pas accentuer les majuscules ou les lettres en capital.
Toutefois, cette règle orthographique s’est toujours confrontée à la réalité des usages, des contraintes techniques et des enseignements.
Encore une fois, l’origine anglaise des machines à écrire puis des claviers d’ordinateur ne nous aide pas à respecter les règles de la langue française.
Au-delà du simple respect d’une règle orthographique qui peut être discutée, l’accentuation des majuscules permet de lever l’ambiguïté sur certains termes. Par exemple :
- LE VOLEUR TUE DANS SA FUITE ou LE VOLEUR TUÉ DANS SA FUITE
- DES RETRAITES ou DES RETRAITÉS
- L’OCEAN EST SALE ou L’OCÉAN EST SALÉ
- JF 23 ANS CHERCHE H, MEME AGE ou JF 23 ANS CHERCHE H, MÊME AGÉ
- MAIS ou MAÏS
- …
Comme on peut le voir dans ces quelques exemples, le sens est radicalement différent en fonction de l’emploi ou non de l’accent.
Les raccourcis clavier à connaître
Ces raccourcis vont vous aider à accentuer vos majuscules facilement :
Signe | Windows | Mac |
---|---|---|
É | [ALT] + 0201 | [MAJ] + 2 |
È | [ALT] + 200 | [MAJ] + e |
À | [ALT] + 0192 | [MAJ] + 0 |
Ç | [ALT] + 0199 | [ALT ⌥] + [MAJ] + ç |
Œ | [ALT] + 0140 | [ALT ⌥] + [MAJ] + o |
Les nombres
Ici, les règles sont plus simples :
- Séparateur de décimal : utilisation de la virgule et non du point (ex : 27,99 €).
- Séparateur de millier : utilisation de l’espace insécable et non du point (ex : 10 297)
- Nombres ordinaux : 1ᵉʳ, 2ᵉ, 3ᵉ… et non 1ᵉʳ, 2ᵉ, 3ᵉ…
- Siècles : utilisation des chiffres romains en capital : XIIIᵉ siècle
- Numéros de téléphone : il semblerait que la règle soit de regrouper les chiffres par deux et de les séparer par une espace et non un point ou un tiret demi-cadratin (–). Exemple : 03 20 00 00 00
Les abréviations et sigles
Voici quelques règles typographiques à retenir :
- Pas de point si l’abréviation se termine par la dernière lettre du mot (ex : bd pour boulevard). Si ce n’est pas le cas, l’usage du point est requis (ex : cat. pour catégorie.)
- Pour les sigles, la règle veut que tout le sigle soit écrit en majuscule (ex : APF, CCFD, CERTAM…). L’usage tolère toutefois l’usage de la majuscule sur la première lettre uniquement s’ils peuvent se prononcer comme un mot et font plus de trois lettres (ex : Unesco, Unicef…) S’ils sont devenus des noms communs (ex : laser, radar…), ils peuvent rester en minuscule.
Recommandations diverses
- Sur écran, les deux modes de mise en valeur sont le gras et l’italique. Le souligné est réservé aux liens.
- L’italique est à privilégier pour les termes d’origine étrangères qui ne sont pas présents dans le dictionnaire ainsi que dans les titres d’ouvrage.
- Les jours et les mois sont à écrire en minuscule : jeudi 17 juin 2021. Sauf dans le cas d’un événement historique pour lequel l’année n’est pas précisée (ex : la prise de la Bastille a eu lieu le 14 Juillet).
- Un nombre est toujours écrit en toute lettre s’il est placé en début de phrase.
- Dans le cas de l’écriture inclusive, on favorisera le point médian · qui n’est pas un signe typographique, contrairement au point. Sur Windows, le raccourci clavier est
[ALT] + 0183
, sur Mac, c’est[MAJ] + [ALT ⌥] + f
.
Quelques astuces
Comme nous l’avons vu, le respect des règles typographiques n’est pas toujours aisé. Si avec le temps et la répétition vous allez retenir les différents raccourcis clavier, cela peut s’avérer fastidieux pour certaines personnes.
Voici quelques astuces pour contourner ce problème :
N’utilisez pas Google Doc pour saisir vos contenus
Si cet outil est très utile pour du travail collaboratif, il est pensé pour respecter les règles typographiques anglaises et non françaises. Vous allez devoir insérer vous-même les espaces insécables ou les majuscules accentuées.
Des logiciels comme Word (et probablement Open Office, mais je connais moins) nous facilitent grandement le respect des règles de typographie françaises en automatisant certaines tâches comme l’ajout des espaces insécables.
Il est également possible d’automatiser l’insertion de majuscules accentuées en allant dans Fichiers → Options → Vérification → Cocher Majuscules accentuées en français.
Utilisez un clavier alternatif
Comme expliqué à plusieurs reprises dans cet article, les claviers que nous utilisons au quotidien ne sont pas pensés pour la langue française.
Il est toutefois possible de changer cela, sans avoir à changer de clavier.
Pour cela, il suffit de changer le pilote de celui-ci et d’installer ce que l’on appelle un clavier enrichi. Le pilote, c’est le logiciel qui va déterminer quel caractère est affiché à l’écran quand vous appuyez sur une touche.
Voici deux exemples de clavier enrichis gratuits et optimisés pour la langue française (pour Windows uniquement) : celui d’Erick Schreiner et celui de Denis Liégeois.
Ne vous fiez pas au design amateur du site de Denis Liégeois qui peut ne pas inspirer confiance : le logiciel fonctionne très bien (je l’utilise personnellement).
Une fois installé, il vous suffit d’indiquer à Windows quel clavier utiliser. Vous avez alors accès à une nouvelle configuration de clavier et de nouveaux raccourcis :
Si vous êtes sur MAC : bonne nouvelle, vous n’avez rien à faire. Sur Linux, il vous suffit de paramétrer votre clavier en « Français (variante) ».
Pour les personnes les plus motivées, vous pouvez également vous orienter vers le clavier bépo qui intègre l’ensemble des caractères courant de la langue française. Sa prise en main est toutefois plus complexe car l’ordre des lettres change complètement.
Enfin, sachez que depuis 2019, il existe une norme pour un clavier français, mais celle-ci semble encore peu adoptée par les fabricants.
Conclusion
Si les règles typographiques permettent de gagner en lisibilité et en cohérence linguistique, nous avons vu que leur respect n’est pas toujours aisé.
En raison de leur nombre tout d’abord. Je n’ai abordé ici que les principales, mais il y en existe des dizaines d’autres. Sans compter les cas particuliers…
En raison de limites techniques ensuite. Celles de nos claviers ou encore celles des logiciels que nous utilisons.
Enfin, cherchez à respecter ces règles nécessite un effort mental important. Il faut en effet déconstruire certains apprentissages, et aller contre les limites techniques évoquées ci-avant.
Ne cherchez pas à appliquer et maîtriser toutes les règles typographiques d’un coup.
Commencez, par exemple, par accentuer les majuscules. Puis soignez votre ponctuation. Enfin, vérifier votre bon usage des nombres, abréviations et sigles.
N’oubliez pas ce que l’objectif n’est pas d’être parfait, juste de rendre vos contenus agréables à lire.
Bon courage !
Sources
Pour la rédaction de cet article, je me suis fortement appuyé sur les documents suivants :
- Le guide des principales règles typographiques de l’Université de Grenoble.
- Les règles typographiques de base de l’Université de Montpellier.
- Les règles typographiques utilisées pour la traduction de WordPress.
- La présentation « La micro-typographie pour améliorer nos interfaces » de Vincent Valentin